Le Ballon dort
Tenant
augustement et poétiquement le tibia de Djibril Cissé dans la main et regardant
le ciel ombrageux, je devisais : Il
y a quelques jours de pourri dans notre royaume.
Les années paires qui ne sont pas celles de Championnat
d’Europe des Nations, et depuis 1994, il d’usage de donner le Ballon d’Or à un
vainqueur du Mondial.
En 1994, Stoïchkov, le bulgare hystéro-agaçant et en 1986, le
russe Belanov, font figures d’exceptions depuis plus de vingt années
d’élections arrangées (sauf pour nos français Papin 1991, Zidane 1998 et
Platini 1983 à 1984, bien entendu).
Donc, il fallait, pour les jurés, qui on le sait, sont
compétents en matière de football puisqu’ils représentent leurs Fédérations
Nationales, trouver quelqu’un dans le 11 italien.
Faisant fi de la régularité de Thierry Henry et de ses deux
finales des plus grandes compétitions de l’année (Ligue des Champions,
Mondial), des soubresauts spectaculaires de Ronnie, et d’autres joueurs
grandement méritants, les deux premiers élus sont Buffon, le gardien parieur et
Cannavaro, l’ex-défenseur de la Juve.
Point de chauvinisme grassouillets dans mes propos pour le
non-sacre de Titi (si tous les joueurs exceptionnels avaient reçus le BO, ça se
saurait), mais un juste retour des choses.
Alors qu’on nous a bassiné les écoutilles avec l’image
irréprochable que doit avoir un homme public, un sportif de haut niveau, un modèle
social, que diantre, un footballeur ; tout ça parce que Zinédine s’est
essuyé la calvitie sur un vulgus pecum
que Dame Nature a doté d’un caractère grossier et violent en finale
sur-médiatisée de Coupe du Monde pour le dernier match de sa carrière non
exemplaire ; le choix italien du BO peut faire discuter.
Donc, discutons.
Buffon et Cannavaro sont de cette Juve accusée à raison de
triche et vol de Calcio. Ils n’ont donc pas été champions d’Italie cette saison
(juste relégués en Série B, ce qui en soi est un exploit puisque c’était la
première fois de leur histoire).
Le gardien Jean-Louis, dauphin de son défenseur central, a été
suspecté de paris litigieux.
Lui et son défenseur central n’ont pas été inquiétés dans la déferlante Moggi mais en ont bénéficié pour mettre en valeur (doper) leurs performances.
Ils ont plus ou moins navigué dans les eaux troubles de dopage organisé par un système rodé et zélé d’accompagnement médicalisé, mais me direz-vous, qui n’a pas besoin d’un coup de seringue de temps en temps ?
Mais il s’agit du BO tagué 2007.
Nous avons Buffon dont l’évidente importance nationale a sauté
aux yeux lors du Mondial allemand, à tel point que l’Italie, d’une pauvresse de
jeu rare pour un vainqueur, se retranchait derrière l’ultime rempart. Sauf sans
doute, cette épique demi-finale contre le pays organisateur où l’Italie a été
contraint de développer ses réels talents offensifs.
Buffon mériterait presque sa récompense de cet arrêt réflexe en
prolongations, sur une tête appliquée de Zidane qui pouvait solder la carrière du
n°10 de façon presque trop parfaite. En un arrêt, il a défait le meilleur
joueur reconnu du Mondial (du Monde ?) avec les conséquences non causales
qui ont suivi.
Mais qu’est-ce Buffon depuis le mois de juillet ? Un
gardien aisé de Série B à féliciter pour sa fidélité à son club dans le moment
le plus tragique.
Une deuxième place au BO peut donc s’offrir sur une prestation d’un
seul semestre.
Quant à Cannavaro, les sunlights de Madrid l’ont appelé. Depuis
août, il se complait, sans se forcer, au Real, multipliant de criantes
contre-performances indignes de son niveau mondialiste.
Un une-deux contre Lyon l’a mis au désespoir.
Encore une fois, les yeux des jurés se sont appliqués à se
fermer le soir du 9 juillet.
Devait-on donner ce Ballon doré à Cannavaro ?
Non.
Devait-on donner cette deuxième place à Buffon ?
Non.
Pourtant, me disais-je, pour une fois que l’on reconnaît les
valeurs défensives.
Ou alors je ne comprends pas.
Ou alors je n’y connais rien.
Tiens,
ah oui, peut-être.
Je
reprenais alors l’os de Djibril pour tapoter un tambour, juste pour reprendre
le rythme de l’année qui arrive.